Chers amis des arbres et de la Pomologie,

Je suis devenu depuis le 1er novembre le nouveau caissier de votre société en remplacement de M. Bernard Knobl qui a assuré ce rôle depuis de nombreuses années.

Le mot de ce mois est un peu spécial, n’ayant pas directement un lien avec l’arboriculture et en en ayant un bien précis. Je vous le présente non pas en tant que spécialiste des arbres, que je ne suis pas, mais en tant qu’apiculteur.

Vous le savez, les insectes pollinisateurs sont précieux pour l’arboriculture, car ce sont eux qui, en venant prélever le nectar des fleurs, transportent d’une fleur à l’autre le pollen qui les fécondera. Il y a des multitudes d’insectes pollinisateurs, et les abeilles mellifères en font partie.

Or il y a un ravageur friand d’hyménoptères qui est arrivé en Suisse, le Vespa Velutina, communément appelée frelon asiatique (ci-après FA), qui déstabilise tout ce merveilleux équilibre : le frelon asiatique est originaire d’Asie et a été accidentellement introduit en Europe en 2004 dans le sud-ouest de la France. Depuis, l’espèce s’est étendue aux pays voisins, elle est maintenant présente dans toute la France, le nord de l’Espagne, dans tout le Portugal, dans le nord et l’ouest de l’Allemagne et est arrivée en Suisse en 2017. L’axe principal de l’invasion en Suisse passe par Genève, où, en 2023, on a découvert plus de 80 nids, ce qui laisse supposer un nombre important de nids non découverts.

Pour mieux comprendre cette invasion il est important de comprendre le cycle de développement du FA.

Les reines fécondées sont les seuls individus à passer l’hiver, cachées dans le sol ou dans des anfractuosités, aussi bien dans la nature que dans les maisons. Au printemps ces reines se réveillent et se mettent au travail : elles construisent un petit nid, qu’on appelle nid primaire, dans lequel elles commencent à pondre et élever les premières ouvrières. A mesure que le nombre d’ouvrières augmente, la taille du nid augmente, il passe de la taille d’une balle de tennis à la taille d’un ballon de football. Ces nids primaires résistent mal à la pluie, et sont donc souvent bâtis à l’abri, sous des avant-toits, dans des remises peu fréquentées, dans des granges, mais peuvent tout aussi bien se trouver près du sol, dans des buissons épais, des haies.

Vers juin-juillet, le nombre d’ouvrières a bien augmenté, et à un certain moment la colonie déménage et part se construire un nid plus grand, que nous appelons nid secondaire. Ces nids secondaires sont très souvent, mais pas toujours, construits dans des arbres, souvent à grande altitude, cachés dans la canopée, mais peuvent aussi se trouver près du sol, bien cachés dans des buissons, et peuvent atteindre des dimensions tout à fait impressionnantes, 80 à 100 cm de long avec une population de plusieurs milliers d’individus.

C’est à cette période que le FA devient nuisible pour les populations d’hyménoptères : en effet, pour nourrir les milliers de larves présentes dans ces nids, les FA doivent ramener des protéines et vont donc chasser tout ce qui passe à leur portée, et quand ils trouvent un rucher c’est une source de nourriture facile et abondante.

Le FA chasse en pratiquant un vol stationnaire devant les ruches et attrape les abeilles qui sortent de la ruche ou qui y reviennent. Dans une ruche, en plein été, on compte entre 30’000 et 50’000 abeilles : si 2000 frelons viennent chasser 10 fois dans la journée, ça fait 20’000 abeilles de moins chaque jour, la ruche sera vidée en 2 jours….. C’est là qu’on saisit pleinement le danger du FA, car ce qui arrive aux ruches arrive aussi à la biodiversité globale : on considère qu’un nid de FA prélève dans la nature environ 12 kg d’insectes pour nourrir ses larves, et ça fait un nombre d’insectes important.

Le FA peut aussi présenter un risque pour l’humain en cas de piqûres multiples, sans toutefois être plus dangereux que le frelon européen. Il est recommandé de ne pas approcher de nid de frelons asiatiques à moins de 5 mètres et de ne pas chercher à entreprendre d’action de neutralisation de nids.

Et en plus le FA est extrêmement prolifique : on a récemment détruit un nid dans lequel on a trouvé 8175 individus dont plus de 850 reines fécondées prêtes à se disperser dans la nature, ce qui aurait signifié la présence de plusieurs centaines de nids l’année suivante.

Au stade d’aujourd’hui, il sera impossible d’enrayer totalement l’avancée du FA, mais le souhait de tous est de limiter autant que possible son implantation en nos contrées, et c’est là le but de ce mot du mois : nous avons besoin que tous les amoureux de la nature, que tous les professionnels et amateurs qui œuvrent ou se déplacent dans la nature, et vous en êtes, prennent l’habitude d’observer, et en cas de découverte de frelon suspect ou de nid, photographiez-le ou filmez-le et envoyez les images, avec indication précise de l’endroit et de la date où vous les avez prises ainsi que vos coordonnées, via le site www.frelonasiatique.ch. La meilleure façon de ralentir la propagation du FA est de capturer les reines fondatrices au printemps ou de détruire les nids primaires avant la ponte des futures reines.

On pourrait écrire beaucoup plus, et si le sujet vous touche ou vous concerne vous trouverez sur Internet plein de documentation sur le FA.

Je vous souhaite une belle fin d’hiver et une bonne taille de vos arbres.

JF Descombes